Bilan 2001 des changements climatiques :
Conséquences, adaptation et vulnérabilité

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4.4 Zones côtières et écosystèmes marins

Les changements climatiques mondiaux se traduiront par une hausse du niveau et de la température de surface de la mer, par un rétrécissement de l’étendue des glaces de mer et par des modifications dans la salinité, le régime des vagues et la circulation océanique. Certains de ces phénomènes se produisent déjà. Les modifications touchant les océans devraient avoir des effets de rétroaction importants sur le climat mondial et sur le climat de la zone côtière immédiate (voir TAR GTI). Ils auraient aussi des répercussions profondes sur la production biologique, y compris la production piscicole. Par exemple, les changements dans la circulation mondiale et dans le mélange vertical des eaux affecteront la répartition des éléments biogéniques et l’efficacité de l’absorption du CO2 par l’océan; la production piscicole côtière et les climats côtiers seront largement modifiés par la variation des taux de remontée des eaux. [6.3]

Si les épisodes chauds liés à El Niño étaient plus fréquents, l’abondance de la biomasse des planctons et des larves de poisson diminuerait, ce qui nuirait aux poissons, aux mammifères marins, aux oiseaux de mer et à la diversité biologique des océans (degré élevé de confiance). Outre la variabilité du phénomène El Niño/Oscillation australe (ENSO), la persistance des régimes pluriannuels climat-océan et les passages d’un régime à l’autre sont reconnus depuis le SAR. Les modifications dans les modes de repeuplement des populations piscicoles ont été associées à ces transformations. On voit de plus en plus dans la fluctuation de l’abondance des poissons une réaction biologique aux variations climatiques à moyen terme, qui s’ajoute à la surpêche et à d’autres facteurs anthropiques. De même, la survie des mammifères et des oiseaux marins est menacée par la variabilité interannuelle et à plus long terme de plusieurs processus et propriétés océanographiques et atmosphériques, surtout aux hautes latitudes. [6.3.4]

La reconnaissance croissante du rôle du système climat-océan dans la gestion des stocks de poissons conduit à formuler de nouvelles stratégies d’adaptation basées sur la détermination des pourcentages acceptables d’élimination et la résilience des stocks. Une autre conséquence de la reconnaissance des effets du climat sur la répartition des populations suggère que la durabilité de la pêche dans de nombreuses nations exigera la prise de mesures d’adaptation qui augmenteront la souplesse des accords bilatéraux et multilatéraux, alliée à une évaluation des stocks et à des plans de gestion internationaux. La durabilité de la pêche dépendra également de la compréhension des synergies qui existent entre les effets liés au climat et des facteurs tels que les prélèvements et l’état des habitats. [6.3.4, 6.6.4]

L’adaptation par le développement de l’aquaculture marine pourrait en partie compenser les baisses éventuelles de prises de poissons dans l’océan. La production de l’aquaculture marine a plus que doublé depuis 1990; elle représentait en 1997 environ 30 pour cent de la production commerciale totale de poissons et de crustacés destinés à la consommation humaine. Toutefois, la productivité future pourrait être limitée par les stocks de harengs, d’anchois et d’autres espèces dont la chair et l’huile servent à nourrir les espèces d’élevage, stocks qui pourraient subir l’influence néfaste des changements climatiques. La baisse des niveaux d’oxygène dissous liée à l’élévation des températures de l’eau de mer et à l’enrichissement des matières organiques crée des conditions favorables à la propagation des maladies dans les zones de pêche et d’aquaculture, ainsi qu’à la prolifération d’algues en bordure des côtes. La pollution et la destruction des habitats qui accompagnent parfois l’aquaculture risquent aussi de restreindre l’expansion de cette activité et de menacer les stocks naturels. [ 6.3.5]

De nombreuses zones côtières sont déjà confrontées à des niveaux élevés d’inondation, à l’accélération de l’érosion des côtes et à l’intrusion d’eau de mer dans les sources d’eau douce, processus qui seront accentués par les changements climatiques et par l’élévation du niveau de la mer. Ce dernier phénomène, en particulier, a contribué à l’érosion des barrages et des plages de sable et de gravier, à la disparition de dunes et de terres humides et aux problèmes d’évacuation des eaux dans de nombreuses zones côtières basses aux latitudes moyennes. Les écosystèmes très variés et productifs en bordure de mer, les établissements côtiers et les Etats insulaires continueront à subir des pressions dont les effets devraient être essentiellement néfastes, voire désastreux dans certains cas. [ 6.4]

Aux basses latitudes, le littoral tropical et subtropical est extrêmement sensible aux effets des changements climatiques, surtout dans les zones de forte pression démographique. Ces effets aggraveront de nombreux problèmes. Par exemple, les activités humaines ont accentué l’affaissement du sol dans beaucoup de régions deltaïques en augmentant les prélèvements d’eau souterraine, en asséchant les terres humides et en réduisant ou éliminant la charge solide des cours d’eau. Les problèmes d’inondation, de salinisation des nappes d’eau potable et d’érosion côtière seront renforcés par l’élévation mondiale du niveau de la mer ajoutée à la submersion locale. Les zones les plus menacées sont les grands deltas de l’Asie et les petites îles dont la vulnérabilité, établie il y a plus 10 ans, continue de croître. [ 6.4.3, 6.5.3]

Aux hautes latitudes (polaires), le littoral est lui aussi sensible aux effets du réchauffement climatique, qui ont été moins étudiés. L’élévation accélérée du niveau de la mer, l’augmentation de la force des vagues, le rétrécissement de l’étendue des glaces de mer et la hausse de la température des terres qui favorise la fonte du pergélisol et de la glace de sol (avec les pertes résultantes de volume du relief côtier) auront des conséquences graves sur les établissements et sur l’infrastructure et provoqueront un recul rapide du littoral, sauf dans le cas des côtes escarpées ou rocheuses. [6.4.6][ 6.4.6]

Les écosystèmes côtiers, par exemple les récifs et atolls coralliens, les marais salés et les mangroves, ainsi que la végétation aquatique submergée subiront les effets de l’élévation du niveau de la mer, de la hausse de la température de la mer en surface et de tout changement dans la fréquence et l’intensité des tempêtes. L’incidence de l’élévation du niveau de la mer sur les mangroves et les marais salés dépendra de la vitesse de montée des eaux par rapport à l’accrétion verticale et de l’espace libre pour une migration horizontale, lequel risque d’être limité par les aménagements humains sur les côtes. Les récifs coralliens sains devraient être en mesure de supporter l’élévation du niveau de la mer, mais pas forcément les récifs détériorés par le blanchissement des coraux, le rayonnement UV-B, la pollution et d’autres tensions. Les épisodes de blanchissement corallien survenus depuis 20 ans ont été associés à diverses causes, dont la hausse des températures de l’océan. Le réchauffement futur de la surface de la mer augmenterait le stress subi par les récifs coralliens et accroîtrait la fréquence des maladies marines (degré élevé de confiance). Les changements dans la chimie de l’océan produits par la hausse des concentrations de CO2 pourraient avoir une incidence néfaste sur le développement et sur la santé des récifs coralliens, ce qui nuirait à la pêche côtière et à l’exploitation commerciale et sociale des récifs. [ 6.4.4, 6.4.5]

Peu d’études ont examiné les variations que pourraient causer les changements climatiques dans la hauteur et l’orientation des vagues dominantes, ainsi que dans les ondes et les vagues de tempête. On peut s’attendre à de graves effets sur les côtes naturelles et aménagées car ces modifications viendront s’ajouter à un niveau de la mer plus élevé qu’aujourd’hui.

La vulnérabilité d’une variété de zones côtières a été analysée, en utilisant au départ une méthodologie commune élaborée au début des années 90. Ces études, et celles qui ont suivi, ont confirmé la variabilité spatiale et temporelle de la vulnérabilité côtière au sein des nations et des régions. Trois stratégies d’adaptation ont été définies : protéger, composer, se retirer. Depuis le SAR, les stratégies ont changé d’orientation, passant de la construction de structures de protection en dur (ouvrages longitudinaux, épis, etc.) à des mesures de protection plus douces (entretien des plages), au retrait planifié et à l’augmentation de la résilience des systèmes biophysiques et socioéconomiques, notamment par le recours à l’assurance contre les inondations en vue de répartir les risques financiers. [ 6.6.1, 6.6.2]

Il serait possible d’améliorer la gestion et le développement durable par des évaluations globales des zones côtières et des écosystèmes marins ainsi que par une meilleure compréhension de leur interaction avec les aménagements humains et la variabilité climatique pluriannuelle. Les options d’adaptation en matière de gestion marine et côtière sont plus efficaces lorsqu’elles sont intégrées dans les politiques visant d’autres domaines, par exemple les stratégies d’atténuation des effets des catastrophes et les plans d’utilisation des terres.



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