Bilan 2001 des changements climatiques :
Les éléments scientifiques

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F.2 Projections pour l’évolution future des émissions de gaz à effet de serre et des aérosols


Figure TS 18 — Concentrations atmosphériques de CO2, CH4 et N2O résultant des six scénarios du SRES et du scénario IS92a calculées selon la méthodologie actuelle. [Basée sur les Figures 3.12 et 4.14]
D’après les modèles, les différents scénarios illustratifs du SRES correspondent à une évolution très différente de la concentration de CO2 (voir la figure TS 18). Pour 2100, les modèles du cycle du carbone prévoient, selon les scénarios illustratifs du SRES, une concentration de CO2 dans l’atmosphère variant de 540 à 970 ppm (soit 90 à 250 pour cent de plus que la concentration de 280 ppm enregistrée en 1750). L’incidence nette des rétroactions climatiques terrestres et océaniques, indiquée par les modèles, devrait contribuer à augmenter encore la concentration projetée du CO2 dans l’atmosphère, du fait que ces rétroactions limitent l’absorption du CO2 par les terres émergées et les océans. Ces projections tiennent compte des rétroactions terrestres et océaniques. Les incertitudes, concernant en particulier l’ampleur de la rétroaction climatique due à la biosphère terrestre, entraînent une variation d’environ -10 à +30 pour cent pour chaque scénario. L’intervalle total s’établit de 490 à 1260 ppm (soit 75 à 350 pour cent de plus que la concentration de 1750).

Les mesures visant à accroître le stockage du carbone dans les écosystèmes terrestres pourraient influer sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère, quoique la limite supérieure de la réduction de cette concentration par suite de l’application des mesures en question se situe entre 40 et 70 ppm.
Si tout le carbone dégagé par suite des changements passés d’affectation des terres pouvait être restitué à la biosphère terrestre au cours de ce siècle (par exemple par le reboisement), la concentration de CO2 diminuerait de 40 à 70 ppm. Autrement dit, il est pratiquement certain que les émissions de CO2 dues à la combustion de combustibles fossiles resteront le facteur déterminant de l’évolution de la concentration de CO2 dans l’atmosphère durant le XXIe.

Les calculs par modèle de l’abondance en 2100 des gaz primaires à effet de serre autres que le CO2 varient considérablement selon le scénario illustratif du SRES considéré.
En règle générale, A1B, A1T et B1 correspondent aux accroissements les plus faibles, et A1FI et A2, aux accroissements les plus marqués. Entre 1998 et 2100, les variations de la teneur en CH4 s’échelonnent de -190 à +1970 ppb (-11 à +112 pour cent), et la teneur en N2O augmente de +38 à +144 ppb (+12 à +46 pour cent) (voir les figures 17b) et c)). Quant aux hydrofluorocarbones (HFC) (134a, 143a et 125), dont les niveaux sont aujourd’hui négligeables, leur abondance devrait atteindre en 2001 quelques centaines à un millier de ppt. Toujours selon les projections, la teneur en hydrocarbure perfluoré CF2 atteindra 200 à 400 ppt et la teneur en SF6, 35 à 65 ppt.

Pour les six scénarios d’émissions illustratifs du SRES, les émissions projetées de gaz à effet de serre indirect (NOx, CO, VOC), conjuguées aux variations de la concentration de CH4, devraient modifier l’abondance moyenne mondiale du radical hydroxyle (OH) dans la troposphère, qui varierait de -10 pour cent à +6 pour cent au cours de ce siècle. En raison de l’importance de ce radical dans la chimie de la troposphère, il se produit des variations comparables – mais de signe opposé – de la durée de vie dans l’atmosphère des gaz à effet de serre CH4 et HFC. Cet effet est lié en grande partie à l’ampleur des émissions de NOx et de CO et à l’équilibre entre ces deux sortes d’émissions. On a en outre calculé que, durant la période 2000-2100, la concentration d’ozone troposphérique pourrait varier de -12 à +62 pour cent. Le plus fort accroissement prévu au cours du XXIe siècle correspond aux scénarios A1FI et A2 et serait plus de deux fois supérieur à celui observé depuis l’ère préindustrielle. Cet accroissement de l’ozone est imputable à l’augmentation considérable et simultanée des émissions anthropiques de NOx et de CH4.

La forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre et autres polluants prévue par certains des six scénarios illustratifs du SRES pour le XXIe siècle entraînera une dégradation de l’environnement global qui ira largement au-delà d’un simple changement climatique. Les changements projetés dans les scénarios A2 et A1FI du SRES entraîneront une dégradation de la qualité de l’air sur une bonne partie de la planète du fait de l’accroissement des niveaux de fond de l’ozone troposphérique. Pendant l’été, aux latitudes moyennes de l’hémisphère Nord, la moyenne zonale de la teneur en O3 augmente près de la surface d’environ 30 ppb ou plus, ce qui porte les niveaux de fond à environ 80 ppb et risque d’entraîner le dépassement des normes actuelles de qualité de l’air dans la plupart des zones métropolitaines et même certaines zones rurales, avec des effets néfastes sur la productivité des cultures et des forêts. Ce problème touche tous les continents et entraîne un couplage des émissions de NOx à l’échelle hémisphérique.


Figure TS 19 — Résultats du modèle simple : estimation historique du forçage radiatif anthropique jusqu’à l’an 2000, suivie de l’estimation du forçage radiatif pour les six scénarios illustratifs du SRES. La zone grise représente l’enveloppe du forçage qui englobe l’ensemble complet des trente-cinq scénarios du SRES. La méthode de calcul suit de près celle qui est expliquée dans les chapitres. Les valeurs sont fondées sur le forçage radiatif correspondant à un doublement du CO2 tel qu’il ressort de sept MCGAO. Le forçage des scénarios IS92a, IS92c et IS92e est également indiqué selon la même méthode de calcul. [Basée sur la Figure 9.13a]

Exception faite des sulfates et du noir de carbone, les modèles mettent en évidence une dépendance plus ou moins linéaire de l’abondance des aérosols à l’égard des émissions. Les processus qui déterminent le rythme d’élimination du noir de carbone diffèrent sensiblement selon les modèles, laissant subsister une grande incertitude quant aux projections futures concernant le noir de carbone. Les émissions d’aérosols naturels tels que le sel marin, la poussière ou les précurseurs en phase gazeuse d’aérosols (terpènes, dioxyde de soufre (SO2), etc.) et l’oxydation du sulfure de diméthyle risquent de s’accentuer par suite du changement climatique et des modifications de la chimie atmosphérique.

Les six scénarios illustratifs du SRES couvrent la quasi-totalité des processus de forçage qui résultent de l’ensemble de ces scénarios. La figure TS 19 présente une estimation du forçage radiatif anthropique total entre 1765 et 1990 ainsi que du forçage correspondant aux six scénarios du SRES. Le forçage découlant de l’ensemble des 35 scénarios du SRES est représenté en grisé, car les forçages particuliers correspondant aux différents scénarios se recoupent avec le temps. Le forçage direct dû aux aérosols provenant de la combustion de la biomasse est modulé avec les taux de déboisement. Les scénarios du SRES prévoient la possibilité d’une augmentation ou d’une diminution des aérosols anthropiques (aérosols sulfatés, aérosols résultant de la combustion de la biomasse, aérosols de noir de carbone et de carbone organique, etc.), selon le degré d’utilisation des combustibles fossiles et les mesures visant à réduire les émissions de polluants. Ils ne donnent pas d’estimations des émissions d’aérosols non sulfatés. Deux méthodes de projection de ces émissions ont été envisagées dans le présent rapport : la première module les émissions d’aérosols dus à la combustion de combustibles fossiles et de la biomasse avec le CO, tandis que la seconde les module avec le SO2 et le déboisement. Seule la seconde méthode a été utilisée pour les projections climatiques. Par comparaison, le forçage radiatif correspondant au scénario IS92a est également indiqué. Il est clair que le forçage correspondant aux nouveaux scénarios du SRES est décalé vers le haut par rapport au forçage correspondant aux scénarios IS92. Cela est dû principalement à la réduction des émissions futures de SO2 dans les scénarios du SRES par rapport aux scénarios IS92, mais aussi à la légère augmentation des émissions cumulées de carbone prévues dans certains scénarios du SRES.

Dans presque tous les scénarios du SRES, le forçage radiatif dû au CO2, au CH4, au N2O et à l’ozone troposphérique continue d’augmenter, et l’on prévoit que la fraction du forçage radiatif total due au CO2 passera d’un peu plus de la moitié à environ les trois quarts du total. Le forçage radiatif dû aux gaz appauvrissant la couche d’ozone diminue par suite de l’application des mesures de réduction des émissions visant à maîtriser l’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique. Le forçage radiatif direct dû aux aérosols (tous composés à base de sulfate, de noir de carbone et de carbone organique confondus), évalué par rapport au présent (2000), varie de signe selon les différents scénarios. On prévoit que les effets directs et indirects des aérosols seront d’une plus faible amplitude que ceux du CO2. Il n’y a pas eu d’estimations des aspects spatiaux des forçages futurs. L’effet indirect des aérosols sur les nuages est pris en compte dans les calculs des modèles climatiques simples et modulé de façon non linéaire avec les émissions de SO2, sur la base d’une valeur actuelle de -0,8 Wm-2, comme dans le deuxième Rapport d’évaluation.


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