Bilan 2001 des changements climatiques :
Les éléments scientifiques

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D.2 Les systèmes couplés

Comme il est indiqué dans la section D.1, nombre de rétroactions se manifestent au sein des différentes composantes du système climatique (atmosphère, océan, cryosphère et terres émergées). Toutefois, beaucoup de processus et de rétroactions d’une grande importance découlent du couplage de ces composantes. Leur représentation facilite grandement la prévision des réactions à grande échelle.

Modes de variabilité naturelle

Il apparaît de plus en plus nettement que certaines configurations de la circulation naturelle telles que le phénomène ENSO ou l’oscillation nord-atlantique jouent un rôle fondamental dans le climat mondial et sa variabilité interannuelle et à long terme. A l’échelle interannuelle, la fluctuation naturelle la plus forte du climat est le phénomène ENSO (voir l’encadré N° 4). Il s’agit fondamentalement d’un phénomène couplé océan-atmosphère, qui se manifeste surtout dans le Pacifique tropical, mais qui a aussi d’importantes répercussions climatiques régionales dans le monde entier. Les modèles climatiques mondiaux commencent à peine à présenter une variabilité dans le Pacifique tropical qui ressemble au phénomène ENSO, principalement en raison d’une résolution méridienne accrue à l’équateur. Des configurations de la température de la mer en surface et de la circulation atmosphérique analogues à celles qui sont observées pendant les épisodes ENSO à des échelles de temps interannuelles apparaissent également à des échelles de temps décennales ou plus longues encore.

L’oscillation nord-atlantique (NAO) est la manifestation dominante de la variabilité de la circulation atmosphérique septentrionale en hiver et est à présent simulée d’une façon de plus en plus réaliste. La NAO est étroitement liée à l’oscillation arctique, qui présente une composante annulaire supplémentaire autour de l’Arctique. Il apparaît clairement que la NAO résulte principalement de processus atmosphériques internes mettant en jeu l’ensemble du système troposphère- stratosphère. Dans l’Atlantique, les fluctuations de la température de la mer en surface sont fonction de l’intensité de la NAO, et l’on commence à percevoir l’importance du rôle joué par une interaction bidirectionnelle de faible ampleur entre la NAO et l’océan Atlantique, qui se traduit par une variabilité décennale, dans la prévision des changements climatiques.

Le changement climatique peut se manifester comme un déplacement des moyennes ou encore comme une modification de l’orientation préférentielle de certains régimes climatiques, ainsi qu’en témoignent l’évolution observée de l’indice NAO vers des valeurs positives ces 30 dernières années et le «glissement» climatique qui s’est produit vers 1976 dans le Pacifique tropical. Bien que les modèles couplés simulent certaines manifestations de la variabilité climatique naturelle observée telles que les phénomènes NAO et ENSO – ce qui donne à penser qu’un grand nombre des processus pertinents sont pris en compte dans les modèles –, il faudra d’autres améliorations pour représenter avec exactitude ces phénomènes naturels. De plus, comme les phénomènes ENSO et NAO sont des éléments clés des changements climatiques à l’échelle régionale et peuvent fort bien entraîner des variations brusques et inattendues, il en a résulté un accroissement de l’incertitude pour les aspects du changement climatique qui sont étroitement liés aux variations d’envergure régionale.

La circulation thermohaline

La circulation thermohaline joue un rôle déterminant pour ce qui est du transport thermique méridien dans l’océan Atlantique. Elle consiste en un brassage convectif des eaux océaniques à l’échelle du globe, provoqué par les différences de densité découlant des différences de température et de salinité. Dans l’Atlantique, la chaleur est transportée par les eaux chaudes de surface qui se déplacent vers le nord et par les eaux salées froides de l’Atlantique Nord qui redescendent dans les profondeurs. Des réorganisations de la circulation thermohaline atlantique peuvent résulter de perturbations de la poussée hydrostatique superficielle, qui est fonction des précipitations, de l’évaporation, du ruissellement continental, de la formation des glaces de mer et des échanges de chaleur, processus qui sont tous susceptibles de variations lourdes de conséquences pour le climat au plan régional et mondial. Les interactions de l’atmosphère et de l’océan sont probablement aussid’une grande importance à l’échelle décennale et à plus long terme, où intervient la circulation thermohaline. L’action réciproque des phénomènes de forçage atmosphérique à grande échelle, avec réchauffement et évaporation aux basses latitudes et refroidissement et précipitations accrues aux latitudes élevées, sert de base à une instabilité potentielle de la circulation thermohaline actuelle dans l’Atlantique. Le phénomène ENSO peut également influer sur la circulation thermohaline atlantique en modifiant le bilan de l’eau douce dans l’Atlantique tropical et en créant ainsi un couplage entre basses et hautes latitudes. Les incertitudes de la représentation des écoulements à petite échelle au-dessus de seuils et par des détroits étroits ainsi que des phénomènes de convection océanique limitent la capacité des modèles de simuler des situations comportant d’importantes modifications de la circulation thermohaline. La salinité plus faible du Pacifique Nord explique l’absence de circulation thermohaline profonde dans cet océan.

Evénements non linéaires et changements climatiques rapides

Si des changements rapides et irréversibles du système climatique sont possibles, bien des incertitudes demeurent quant aux mécanismes impliqués ainsi qu’à la probabilité et à la durée de tels changements. Le système climatique fait intervenir nombre de processus et de rétroactions qui s’influencent mutuellement de façon complexe et non linéaire. Cette interaction peut favoriser la création de seuils qui peuvent être franchis pour peu que le système soit suffisamment perturbé. L’examen de carottes de glace polaire semble indiquer que les régimes atmosphériques peuvent évoluer en quelques années, et des changements hémisphériques de grande ampleur peuvent se produire en l’espace d’à peine quelques décennies. Ainsi, on s’est servi d’une hiérarchie de modèles pour mettre en évidence l’existence possible d’un seuil au-delà duquel la circulation thermohaline atlantique pourrait rapidement prendre fin. On ne sait pas encore exactement quel est ce seuil et quelle est la probabilité que des activités humaines puissent entraîner son franchissement (voir la section F.6). Par ailleurs, la circulation atmosphérique peut être caractérisée par différentes configurations découlant, par exemple, du phénomène ENSO ou de d’oscillation nord-atlantique (ou atlantique), dont le cycle peut varier rapidement. La théorie et les modèles semblent généralement indiquer que le changement climatique peut en premier lieu s’exprimer dans les variations de la fréquence d’apparition de ces configurations. Des modifications de la végétation, qu’elles soient la conséquence directe d’un déboisement d’origine humaine ou le résultat du réchauffement de la planète, peuvent se produire rapidement et provoquer d’autres changements climatiques. La formation rapide du Sahara, il y a quelque 5500 ans, pourrait être un exemple d’une telle modification non linéaire de la couverture terrestre.

D.3 Techniques de régionalisation

La question de l’information climatique régionale n’a été traitée que de façon succincte dans le deuxième Rapport d’évaluation. Les techniques utilisées pour obtenir une information régionale plus détaillée ont été grandement améliorées depuis lors et sont aujourd’hui communément appliquées. Elles se classent en trois catégories : les modèles de la circulation générale couplés atmosphère-océan (MCGAO) à résolution élevée et variable; les modèles climatiques régionaux (MCR) (ou modèles à grilles emboîtées ou à domaine limité); et les méthodes empiriques-statistiques et statistiques-dynamiques. Ces techniques présentent des avantages et des inconvénients différents, et leur utilisation à l’échelle continentale dépend en grande partie des impératifs propres à chaque application.

Les MCGAO à faible résolution simulent généralement assez bien les caractéristiques de la circulation générale de l’atmosphère. A l’échelle régionale, ces modèles présentent des distorsions moyennes spatiales qui varient fortement selon la région et le modèle considérés, avec des distorsions des températures saisonnières moyennées à l’échelle sous-continentale de l’ordre de ±4 ºC, et des distorsions des hauteurs de précipitation comprises entre -40 et +80 pour cent. Il s’agit là d’une nette amélioration par rapport aux MCGAO évalués dans le deuxième Rapport d’évaluation.

Les modèles de la circulation générale de l’atmosphère (MCGA) à haute résolution ou à résolution variable qui ont été élaborés depuis la parution du deuxième Rapport d’évaluation semblent généralement indiquer que la dynamique et le flux à grande échelle des modèles s’améliorent à mesure que la résolution augmente. Par contre, dans certains cas, les erreurs systématiques sont plus accentuées que dans les modèles à plus faible résolution, bien que très peu de résultats aient été attestés.

Les MCR à haute résolution se sont perfectionnés considérablement depuis le deuxième Rapport d’évaluation. Les modèles régionaux améliorent sans cesse les caractéristiques spatiales du climat simulé par rapport aux MCGA. Les MCR, qui sont tributaires des conditions aux limites observées, mettent en évidence des distorsions des moyennes spatiales de la température (pour des étendues de 105 à 106 km2) généralement inférieures à 2 ºC, tandis que les distorsions de la hauteur de précipitation sont inférieures à 50 pour cent. Il ressort des travaux menés à l’échelon régional qu’à des échelles plus petites, les fluctuations peuvent varier considérablement d’ampleur ou changer de signe par rapport aux résultats moyens obtenus pour de plus vastes étendues. Il existe des écarts assez importants entre les modèles, dont les causes sont encore mal cernées.



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