Bilan 2001 des changements climatiques :
Mesures d'atténuation

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4 Potentiel technologique et économique des options visant à renforcer, maintenir et gérer les réservoirs de carbone biologique et géo-ingénierie

4.1 Atténuation par l’aménagement des écosystèmes terrestres et des terres

Les forêts, les terres agricoles et les autres écosystèmes terrestres offrent d’importantes possibilités d’atténuation, même si celles-ci ne sont souvent que provisoires. La conservation et le piégeage offrent un sursis qui permet l’élaboration et la mise en œuvre d’autres options. Selon le DRE du GIEC, entre 60 et 87 GtC peuvent être conservées ou piégées dans les forêts d’ici 2050 et 23 à 44 GtC de plus peuvent être piégées dans les sols agricoles. L’évaluation actuelle du potentiel des options d’atténuation biologique est de l’ordre de 100 GtC (cumulatives) d’ici 2050, ce qui équivaut à entre 10 pour cent et 20 pour cent des émissions prévues de combustibles fossiles durant cette période. Cette section évalue les mesures d’atténuation biologique dans les écosystèmes terrestres en se concentrant sur le potentiel d’atténuation, les contraintes écologiques et environnementales, l’aspect économique et les paramètres sociaux. Elle analyse également brièvement les soi-disant options de géo-ingénierie.

L’accroissement des bassins de carbone par la gestion des écosystèmes terrestres ne peut que partiellement compenser les émissions de combustibles fossiles. De plus, de plus grandes réserves de carbone font planer la menace à venir d’une hausse des émissions de CO2, en cas d’interruption dans les pratiques de conservation du carbone. Par exemple, l’abandon de la lutte contre les feux de forêt ou le retour à un travail intensif du sol en agriculture risquent d’entraîner une déperdition rapide d’au moins une partie du carbone accumulé les années antérieures. Toutefois, l’utilisation comme combustible de la biomasse ou du bois aux dépens de matériaux à plus forte intensité énergétique offre la possibilité d’atténuer de manière permanente les émissions de carbone. Il faut évaluer les possibilités de piégeage terrestre parallèlement aux stratégies de réduction des émissions, car les deux méthodes seront sans doute nécessaires pour contrôler les concentrations de CO2 dans l’atmosphère.

Dans la plupart des écosystèmes, les réservoirs de carbone finissent par approcher d’un seuil maximum. La quantité totale de carbone stockée et/ou d’émissions de carbone évitées grâce à un projet de gestion forestière à un moment donné dépend des pratiques d’aménagement particulières (voir figure TS 6). C’est ainsi qu’un écosystème dont le carbone a été épuisé par des phénomènes antérieurs peut avoir un taux potentiel élevé d’accumulation du carbone, tandis qu’un écosystème possédant de vastes bassins de carbone a généralement un faible taux de piégeage du carbone. Tandis qu’un écosystème finit par approcher de son niveau maximum de carbone, le puits (c’est-à-dire le taux de variation du bassin) diminue. Bien que le taux de piégeage et le bassin de carbone puissent être relativement élevés à certains stades, il est impossible de les maximiser simultanément. Ainsi, les stratégies de gestion d’un écosystème dépendent de l’objectif final, qui peut être de renforcer l’accumulation à court terme ou de maintenir les réservoirs de carbone dans le temps. L’équilibre écologique atteignable entre les deux objectifs est limité par les antécédents de perturbation, la productivité du site et l’échéancier cible. Par exemple, il se peut que les options visant à maximiser le piégeage d’ici 2010 ne le maximisent pas avant 2020 ou 2050; dans certains cas, la maximisation du piégeage d’ici 2010 risque de se traduire par un stockage plus faible du carbone avec le temps.

L’efficacité des stratégies d’atténuation du carbone et la sûreté des bassins de carbone élargis seront touchées par les changements futurs qui se produiront à l’échelle planétaire, même s’il faut s’attendre à ce que les incidences de ces changements varient selon la région géographique, le type d’écosystème et la capacité d’adaptation locale. Par exemple, les hausses de CO2 dans l’atmosphère, les changements climatiques, la modification des cycles des éléments nutritifs et l’altération des régimes (perturbations naturelles ou d’origine anthropique) sont autant de phénomènes qui peuvent avoir des effets négatifs ou positifs sur les bassins de carbone dans les écosystèmes terrestres.

Figure TS 6 : Bilan du carbone résultant d’un projet hypothétique d’aménagement forestier

Note : Cette figure illustre les changements qui surviennent dans le bilan cumulatif du carbone dans le cadre d’un scénario présupposant le boisement et la récolte d’un amalgame de produits forestiers traditionnels, une partie de la récolte étant utilisée comme combustible. Les valeurs sont indicatives de ce que l’on pourrait observer dans le sud-est des Etats-Unis ou en Europe centrale. La régénération permet la restauration du carbone dans la forêt et le peuplement forestier (hypothétique) est exploité tous les 40 ans, une partie de la litière étant laissée au sol, où elle se décompose, tandis que les produits s’accumulent ou qu’ils sont éliminés dans des décharges contrôlées. Il s’agit là de changements nets au sens où, par exemple, le schéma illustre les réductions des émissions de combustibles fossiles par rapport à un autre scénario qui utilise des combustibles fossiles et d’autres produits à plus forte intensité énergétique pour fournir les mêmes services.

Par le passé, l’aménagement des terres a souvent entraîné une baisse des bassins de carbone, même si, dans bien des régions comme l’Europe occidentale, les bassins de carbone se sont aujourd’hui stabilisés et qu’ils commencent même à se reconstituer. Dans la plupart des pays des régions tempérées et boréales, les forêts reprennent du terrain, même si les bassins actuels de carbone sont encore réduits par rapport à ceux qui prédominaient à l’époque préindustrielle ou dans la préhistoire. Si la reconstitution complète des bassins de carbone préhistoriques est peu probable, il est néanmoins possible que ces stocks augmentent de manière appréciable. Selon les statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU), l’augmentation annuelle nette moyenne a surpassé les coupes dans les forêts boréales et tempérées sous gestion au début des années 1990. Par exemple, les stocks de carbone dans la biomasse des arbres verts ont augmenté de 0,17 GtC/an aux Etats-Unis et de 0,11 GtC/an en Europe occidentale, absorbant près de 10 pour cent des émissions mondiales de CO2 d’origine fossile durant cette période. Même si ces estimations ne tiennent pas compte des changements survenus dans la litière et les sols, elles témoignent de l’importance et de l’évolution du rôle que les terres émergées jouent dans le bilan du carbone atmosphérique. Le renforcement de ces bassins de carbone offre d’intéressantes possibilités d’atténuation des changements climatiques.

Dans certains pays tropicaux cependant, la déperdition nette moyenne des stocks de carbone forestier se poursuit, même si les taux de déboisement ont peut-être légèrement baissé depuis 10 ans. Sur les terres agricoles, il est désormais possible de récupérer une partie du carbone perdu durant le processus de conversion des terres boisées ou des prairies.

4.2 Paramètres sociaux et économiques

Les terres sont une ressource précieuse et limitée que chaque pays affecte à quantité d’usages. Le rapport qui existe entre les stratégies d’atténuation des changements climatiques et d’autres utilisations des terres peut être compétitif, neutre ou symbiotique. Une analyse de la documentation porte à croire que les stratégies d’atténuation du carbone peuvent être utilisées comme élément des stratégies plus détaillées visant le développement durable, dont l’un des nombreux objectifs est une augmentation des stocks de carbone. Il est souvent possible d’adopter des mesures en foresterie, en agriculture et dans d’autres utilisations des terres pour atténuer les émissions de carbone tout en faisant avancer d’autres objectifs sociaux, économiques et environnementaux. Les stratégies d’atténuation du carbone peuvent ajouter de la valeur et des recettes à la gestion des terres et au développement rural. Les solutions et les cibles locales peuvent être adaptées aux priorités du développement durable à l’échelle nationale, régionale et mondiale.

Pour assurer l’efficacité et la durabilité des activités d’atténuation du carbone, il faut les équilibrer avec d’autres objectifs écologiques et/ou environnementaux, économiques et sociaux se rattachant à l’utilisation des terres. Quantité de stratégies d’atténuation biologique peuvent être neutres ou propices aux trois objectifs et être acceptées comme des solutions “sans regrets» ou “favorables à toutes les parties en présence”. Dans d’autres cas, des compromis peuvent être nécessaires. Au nombre des effets environnementaux possibles, il faut mentionner les incidences sur la biodiversité, sur la quantité et la qualité des ressources hydriques (particulièrement là où elles sont déjà rares) et les incidences à long terme sur la productivité des écosystèmes. Les incidences environnementales, économiques et sociales cumulatives peuvent être évaluées dans le cadre de chaque projet et également dans une optique nationale et internationale élargie. Un problème important réside dans les “transferts d’émissions” – ce qui signifie qu’un bassin de carbone élargi ou conservé dans une région se traduit par une augmentation des émissions ailleurs. L’acceptation sociale à l’échelle locale, nationale et mondiale peut également influer sur l’efficacité de la mise en œuvre des politiques d’atténuation.



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