Bilan 2001 des changements climatiques :
Les éléments scientifiques

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B.2 Changements observés pour ce qui est des précipitations et de l’humidité atmosphérique

Depuis la publication du deuxième Rapport d’évaluation, la hauteur annuelle de précipitation pour les terres émergées a continué d’augmenter aux latitudes moyennes et élevées de l’hémisphère Nord (très probablement à un rythme de 0,5 à 1 pour cent par décennie), sauf en Asie orientale. Dans les zones subtropicales (de 10° à 30° de latitude nord), les pluies à la surface des terres émergées ont en moyenne diminué (probablement d’environ 0,3 pour cent par décennie), bien qu’on ait noté des signes d’inversion de cette tendance ces dernières années. Les mesures de la hauteur de précipitation à la surface du sol en zone tropicale indiquent une augmentation probable d’environ 0,2 à 0,3 pour cent par décennie au XXe siècle, quoique cette augmentation ne soit guère perceptible durant les dernières décennies et que la proportion des terres tropicales (par rapport aux océans) soit relativement faible entre 10° de latitude nord et 10° de latitude sud. Néanmoins, les mesures directes de la hauteur de précipitation et de nouvelles analyses par modèle des précipitations présumées mettent en évidence une augmentation correspondante des pluies sur de grandes parties des océans tropicaux. Comme le montrent les données disponibles, les variations du débit annuel des cours d’eau correspondent souvent assez bien aux variations de la précipitation totale. Il existe en outre une forte corrélation entre l’augmentation des précipitations sur les terres émergées aux latitudes moyennes à élevées de l’hémisphère Nord et l’augmentation à long terme de la nébulosité totale. Contrairement à ce qui a été observé dans l’hémisphère Nord, aucune variation systématique comparable de la hauteur de précipitation moyenne selon la latitude n’a été détectée dans l’hémisphère Sud.

Il est probable que la quantité totale de vapeur d’eau atmosphérique a augmenté de plusieurs points de pourcentage par décennie dans de nombreuses régions de l’hémisphère Nord. Les variations de la teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère durant les quelque 25 dernières années ont fait l’objet, dans certaines régions, d’analyses fondées sur des observations en surface in situ ainsi que sur des mesures concernant la basse troposphère effectuées par satellite et ballon météorologique. Malgré l’existence probable de biais en fonction du temps et de variations régionales des tendances, les séries de données les plus fiables semblent indiquer une augmentation générale de la teneur en vapeur d’eau atmosphérique à la surface du globe et dans la basse troposphère au cours des dernières décennies. De même, la concentration de vapeur d’eau dans la basse stratosphère a probablement augmenté de quelque 10 pour cent par décennie depuis le début des observations (1980).

Les variations de la nébulosité totale en zone continentale aux latitudes moyennes à élevées de l’hémisphère Nord semblent indiquer un accroissement probable d’environ 2 pour cent de la nébulosité depuis le début du XXe siècle, dont on sait maintenant qu’il est directement lié à une diminution de l’amplitude thermique diurne. Des variations similaires ont été observées en Australie, seul continent de l’hémisphère Sud où de telles analyses ont été réalisées. On en sait par contre très peu sur les variations de la nébulosité totale au-dessus des terres émergées tropicales et subtropicales et des océans.

B.3 Changements observés pour ce qui est de l’enneigement et de l’étendue des glaces terrestres et des glaces de mer

Il existe toujours une corrélation positive entre la diminution de l’étendue de la couverture neigeuse et des glaces terrestres et la hausse des températures à la surface du sol. D’après les données recueillies par satellite, la couverture de neige a probablement diminué d’environ 10 pour cent depuis la fin des années 60. La corrélation est particulièrement nette entre cette diminution et l’élévation des températures à la surface des terres émergées de l’hémisphère Nord. On dispose à présent de nombreux éléments qui concourent à établir un lien entre le fort recul des glaciers alpins et continentaux et le réchauffement observé au XXe siècle. Dans quelques régions maritimes, l’augmentation de la pluviosité due aux variations régionales de la circulation atmosphérique a pris le pas sur l’élévation des températures durant les 20 dernières années, et les glaciers ont repris leur avancée. Selon les observations au sol, il est très probable qu’aux latitudes moyennes à élevées de l’hémisphère Nord, la période annuelle du gel des lacs et des cours d’eau a diminué d’environ deux semaines durant les 100 à 150 dernières années.

Si la quantité de glaces de mer diminue dans l’hémisphère Nord, on ne note pas d’évolution notable de l’étendue des glaces de mer dans l’Antarctique. Le recul de 10 à 15 pour cent de la limite d’extension des glaces de mer pendant le printemps et l’été arctiques depuis les années 50 concorde avec la hausse des températures au printemps et, dans une moindre mesure, en été aux latitudes élevées. Il y a par ailleurs peu d’indices d’une diminution de l’étendue des glaces de mer arctiques pendant l’hiver, alors que les températures ont augmenté dans les régions avoisinantes. Dans l’Antarctique, en revanche, il n’y a pas de lien apparent entre les variations décennales de la température et l’étendue des glaces de mer depuis 1973. Après avoir diminué vers le milieu des années 70, cette étendue est restée stable ou a même légèrement augmenté.


Figure TS 6 — Série chronologique des niveaux relatifs de la mer durant les 300 dernières années pour l’Europe du Nord : Amsterdam (Pays-Bas), Brest (France), Sheerness (Royaume-Uni), Stockholm (Suède) (la tendance temporelle a été éliminée pour la période 1774-1873 pour placer en premier ordre la contribution du relèvement post-glaciaire), Swinoujscie (Pologne) (anciennement Swinemunde, Allemagne), et Liverpool (Royaume-Uni). Les données pour cette dernière portent sur la valeur moyenne ajustée de pleine mer et non sur le niveau moyen de la mer, et incluent un facteur nodal (18,6 ans). L’échelle est de ±100 mm. [Fondée sur la Figure 11.7]

D’après de nouvelles données, entre la période 1958-1976 et le milieu des années 90, il y a probablement eu une diminution d’environ 40 pour cent de l’épaisseur des glaces de mer arctiques pour la période comprise entre la fin de l’été et le début de l’automne, cette diminution étant beaucoup moins marquée en hiver. La durée relativement courte des relevés et le caractère incomplet des échantillons limitent l’interprétation de ces données. Il est en effet possible que ces variations soient influencées par la variabilité interannuelle et la variabilité interdécennale.

B.4 Changements observés pour ce qui est du niveau de la mer

Changements intervenus depuis le début des relevés instrumentaux

D’après les données marégraphiques, le niveau moyen des mers s’est élevé au XXe siècle de 1,0 à 2,0 millimètres par an, la valeur centrale s’établissant à 1,5 millimètre par an (cette valeur ne devrait pas être considérée comme la meilleure valeur estimée). (Voir l’encadré N° 2 pour les facteurs qui influent sur le niveau de la mer.) Comme l’indique la figure TS 6, les relevés instrumentaux les plus anciens (deux ou trois siècles au plus) du niveau de la mer à l’échelle locale ont été obtenus à l’aide de marégraphes. D’après ces très rares relevés marégraphiques, le taux moyen d’élévation du niveau de la mer a été plus élevé au XXe siècle qu’au XIXe siècle. On n’a détecté aucune accentuation sensible de ce taux d’élévation durant le XXe siècle, ce qui n’est pas en contradiction avec les résultats fournis par les modèles, compte tenu des éventuels facteurs de compensation et du nombre restreint de données.

Changements intervenus avant le début des relevés instrumentaux

Depuis le dernier maximum glaciaire remontant à quelque 20 000 ans, en certains endroits éloignés des nappes glaciaires actuelles et passées, le niveau de la mer s’est élevé de plus de 120 mètres par suite de la perte de masse de ces nappes glaciaires. Des mouvements terrestres verticaux, ascendants ou descendants, se produisent encore sous l’effet de ces grands transferts de masse des nappes glaciaires aux océans. L’élévation la plus rapide du niveau de la mer à l’échelle du globe a eu lieu entre 15 000 et 6000 ans avant notre ère, au rythme moyen de 10 mm environ par an. D’après les données géologiques, l’élévation eustatique du niveau de la mer (qui correspond à une variation du volume des océans) s’est produite à un rythme moyen de 0,5 mm par an durant les 6000 dernières années et de 0,1 à 0,2 mm par an durant les 3000 dernières années. Ce rythme est à peu près 10 fois inférieur à celui observé au XXe siècle. Au cours des 3000 à 5000 dernières années, à des échelles de temps de l’ordre de 100 à 1000 ans, les oscillations du niveau moyen de la mer n’ont probablement pas dépassé 0,3 à 0,5 m.

Encadré N° 2 — Quelles sont les causes des variations du niveau de la mer ?

Le niveau de la mer sur le littoral est déterminé par de nombreux facteurs de l’environnement global qui entrent en jeu à des échelles de temps fort diverses, allant de quelques heures (les marées) à des millions d’années (la modification des bassins océaniques sous l’effet des mouvements tectoniques et de la sédimentation). A l’échelle de la décennie et du siècle, certains des principaux facteurs influant sur le niveau moyen des mers sont liés au climat et aux changements climatiques.

Tout d’abord, l’eau de mer se dilate en se réchauffant. D’après les observations de la température des océans et les résultats des modèles, cette dilatation thermique apparaît comme l’une des principales causes des variations historiques du niveau de la mer. De plus, elle devrait jouer un rôle primordial dans l’élévation du niveau de la mer au cours des 100 prochaines années. Dans les fonds océaniques, la température ne varie que très lentement et la dilatation thermique se poursuivra donc pendant de nombreux siècles, même si les concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère devaient se stabiliser.

L’ampleur du réchauffement et la profondeur de la couche d’eau concernée varient selon le lieu considéré. En outre, pour une variation donnée de la température, les eaux chaudes se dilatent davantage que les eaux froides. La répartition géographique de la variation du niveau de la mer est conditionnée par les fluctuations géographiques de la dilatation thermique, les variations de la salinité, les régimes de vent et la circulation océanique. Les variations régionales sont d’une ampleur bien supérieure à celle de l’élévation moyenne du niveau de la mer à l’échelle du globe.

Le niveau de la mer varie également lorsque la masse
d’eau des océans augmente ou diminue. Tel est le cas lorsque de l’eau de mer est emmagasinée sur les terres émergées. La principale réserve d’eau continentale est l’eau gelée des glaciers ou des nappes glaciaires. C’est d’ailleurs là la principale raison de l’abaissement du niveau de la mer durant la dernière période glaciaire, alors que d’importantes quantités d’eau étaient emmagasinées dans les vastes nappes glaciaires qui recouvraient les continents de l’hémisphère Nord. Après l’expansion thermique, la fonte des glaciers et des calottes glaciaires devrait être l’une des principales causes de l’élévation du niveau de la mer au cours du siècle prochain. Ces glaciers et ces calottes glaciaires ne représentent qu’un faible pourcentage des glaces terrestres du globe, mais sont cependant plus sensibles aux changements climatiques que les nappes glaciaires beaucoup plus étendues du Groenland et de l’Antarctique, situées dans des milieux plus froids, à faible pluviométrie et à faible rythme de fonte. En conséquence, les grandes nappes glaciaires ne devraient jouer qu’un rôle mineur dans l’élévation du niveau de la mer au cours des prochaines décennies.

Le niveau de la mer est également influencé par des processus qui ne sont pas explicitement liés au changement climatique. Ainsi, les réserves d’eau continentales (et donc le niveau de la mer) peuvent varier par suite de l’extraction d’eaux souterraines, de la construction de réservoirs, de modifications du ruissellement et de l’infiltration dans des aquifères profonds d’eaux stockées dans des réservoirs ou d’eaux d’irrigation. Ces facteurs pourraient neutraliser une bonne part de l’accélération prévue de l’élévation du niveau de la mer due à la dilatation thermique et à la fonte des glaces. De plus, la subsidence des côtes à proximité des deltas peut aussi influer localement sur le niveau de la mer. Les mouvements verticaux des terres émergées dus à des processus géologiques naturels tels que les lents déplacements du manteau ou les déformations tectoniques de la croûte terrestre, peuvent avoir, sur le niveau de la mer à l’échelon local, des effets comparables à ceux liés au climat. Enfin, à des échelles de temps saisonnières, interannuelles et décennales, le niveau de la mer réagit aux variations de la dynamique de l’atmosphère et des océans, le phénomène El Niño constituant à cet égard l’exemple le plus frappant.



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